1995,
Billère,
(Sud-Ouest de la France).

Mes intuitions m’insufflent angoisses et incertitudes. À l’avenir, il serait dangereux pour ma santé mentale de m’identifier à une telle réalité. J’y perçois une sorte de force obscure que je ne parviens pas encore à définir.
Sans compter que les vieux sont louches, leur monde est louche et les manières avec lesquelles ils nous l’imposent, en disent long sur le cauchemar très réel du monde qu’ils nous lèguent.
À cette époque, la pollution médiatique n’est pas encore celle de 2022, internet reste à sa place, mais la télévision est au centre des consciences.
Je comprends qu’à l’âge de 12 ans, j’ai le droit de me libérer de tout cela, par le moyen le plus trivial possible à mes yeux.
Il appartient à chacun de se faire son propre avis sur la présence de « graffiti » sur les murs et les trains du monde entier. Pour ma part, je n’ai pas trouvé de meilleurs jeux en adéquation avec mon existence et ma conscience d’être un gosse éternel dans ce foutu monde.
En rupture face à ce projet domestique que me réserve cette société mondiale et ses perpétuelles tentatives d’intrusions sur nos quiétudes, je jure que désormais, je lui serai éternellement redevable d’une audace aussi éclatante que colorée.
Je m’appellerai comme il me plaira, et nous repeindrons ce monde nous-même et pour toujours.
Amen.

HORS D’ŒUVRE
Je me suis volontairement maintenu à l’écart d’un système et de ses cercles humains, et celui des graffeurs n’y échappe pas durant près de 15 ans.
Cela offre une perception très relative du consensus esthétique de la Planète New York, (si légitime soit-elle), et m’aura poussé à la recherche ainsi qu’à l’étude de mes propres accords.
Durant cette période, et en parallèle au Graffiti, le travail professionnel de la peinture en lettre, en bâtiment et en aéronautique, ajuste et consolide mon geste et mes connaissances en la matière.
Ces 25 dernières années, donc, ont été presque entièrement dédiées à l’affûtage d’un style, l’apprentissage des techniques de peinture, et d’une certaine témérité face au risque…
Partant du principe que nos émotions sont perceptibles visuellement, l’expérimentation de la couleur s’apparente à une suite de miracle visuel. Elle nous foudroie, comme elle nous apaise et ses combinaisons illimitées ont le pouvoir de nous faire comprendre le sentiment. La couleur à elle seule est une passion, un hurlement au service des lettres et du jour levant…
En phase avec mes promesses et mes accords premiers, mes lettres ont des allures de furie. Ce style tranchant et épais qui emmerde le système et souri à ceux qui me comprenne, n’est que le décodeur d’un sentiment de rétorsion et de liberté.

CICATRISATION OU NÉOFORMATION
La recherche et les efforts au fil des années, m’ont révélé peu à peu un goût pour les organisations denses et colorées.
Presque à l’opposé des pièces de graffiti nocturne au style épurées, le graffiti couleurs refait surface sur des scénarios visuels complexes, autour desquelles les éléments figuratifs font leurs apparitions.
Souvent motivées par des thématiques précises, ces peintures explosives de couleurs et réalisées presque au compte-goutte proposent une nouvelle dimension de mes perceptions.
Grâce à cette disposition créative bien plus détaillée que l’objectif initial de description d’une émotion par une lettre, sa forme et sa couleur, j’explore en parallèle au graffiti brut, une voie intimement liée au dessin à travers laquelle j’essaie ma créativité à de nouveaux horizons esthétiques encore peu explorés de mon point de vue, jusque-là.

AÉLÉ
Alpha libre, étoile première.
Phonétique Eng/esp : Aele

– ALPHA
1.Première lettre de l’alphabet grec (Α, α), dérivée du signe phénicien appelé aleph.
2.Étoile choisie comme la première d’une constellation.

– LIBRE
1.Qui n’est pas la propriété d’un maître, qui n’est pas esclave.
2.Qui ne dépend pas étroitement du pouvoir politique. Qui ne subit aucune pression.